Orthodox Professor Antoine Arjakovsky challenges the Moscow Patriarchate’s claim to jurisdiction over the Byzantine-Slav Orthodox and Catholic Christians of Ukraine, Belarus and the Diaspora

Longtemps j’ai baissé les yeux face à l’évolution de l’Eglise russe. J’identifiais le patriarcat de Moscou avec l’Eglise. Comme un enfant devant la nudité de son père, terriblement gêné par son indignité, j’inclinais mon regard face à elle. Aujourd’hui, après la double déclaration du patriarcat de Moscou du 26 décembre 2013 au sujet des événements en Ukraine[1] et sur le thème de la primauté dans l’Eglise, je ne peux pas me taire.[2] Je ne peux plus aujourd’hui considérer le patriarcat de Moscou comme la structure légitime représentant l’Eglise russe.

Voilà déjà un certain temps que je dénonce la prétention indue du patriarcat de Moscou d’un pouvoir de juridiction sur l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Il suffit en effet de consulter un manuel d’histoire pour constater que s’il y eut une « Eglise-mère » pour l’Eglise orthodoxe ukrainienne celle-ci ne peut être que l’Eglise de Constantinople vers laquelle s’est tournée le prince Volodymyr en 988. On sait combien l’Eglise orthodoxe ukrainienne au début des années 1990 a souffert de n’avoir pas obtenu de reconnaissance de son autonomie. Trois Eglises orthodoxes sont nées en Ukraine en 1991-1992 de cette non-reconnaissance. En septembre dernier dans un article paru dans La Croix je rappelais encore que le discours du patriarche Kirill sur l’unité de civilisation du « monde russe » était un mythe dangereux car il légitime la politique néo-impérialiste du Kremlin. Alors qu’il ne repose que sur une racine civilisationnelle commune, la Rus’ de Kyiv, qui a donné lieu dès le XVIIe siècle à la constitution historique de trois nations et de trois langues différentes, l’ukrainienne, la bélarusse et la russe. On n’imagine pas en France que le pape affirme l’unité des nations française, espagnole et italienne à partir de l’unité de la foi catholique.

Aujourd’hui non seulement le patriarche Kirill revient sur cette unité douteuse des « peuples frères de la Sainte Rus’ », mais il ne dit pas un mot de soutien au peuple ukrainien venu manifester en masse, dans le froid glacial et au péril de sa vie, contre un régime corrompu (à commencer par le fils du président Yanoukovytch devenu multi-milliardaire en quelques mois) et battant jusqu’au sang des manifestants pacifiques. Le saint synode au contraire condamne vigoureusement « les tensions civiles et les révolutions qui ne peuvent apporter rien de positif au peuple ». De Moscou les évêques ne tiennent aucun compte de la déclaration du métropolite Volodymyr, le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne (dépendant du patriarcat de Moscou) qui avait appelé dès le début du mois de décembre le gouvernement ukrainien à tenir compte de l’indignation du peuple ukrainien. Au contraire les évêques du patriarcat de Moscou parlent d’une réconciliation nécessaire entre « les différents groupes ethniques et sociaux ». Cette phrase témoigne de l’aveuglement total du patriarcat de Moscou qui ne voit pas qu’il n’y a aucun enjeu ethnique dans l’Euromaidan, mais le désir profond de la population ukrainienne, attesté par tous les sondages, d’appartenir à la grande famille des nations européennes qui, en dépit de toutes ses faiblesses, pose au dessus de toute loi la défense de la dignité de chaque personne humaine.

Read the full article (likewise in French) at Professor Arjakovsky’s blog here:

Le blog d’Antoine Arjakovsky: Je ne peux pas me taire